« ON N’EN PEUT PLUS » : LE CRI D’ALARME DES VIGNERONS AUDOIS

GRÊLE DANS L’AUDE : DES VIGNERONS « À BOUT DE SOUFFLE » FACE AUX CHOCS CLIMATIQUES

C’est devenu une habitude dont les agriculteurs se passeraient bien. Lundi 19 mai, un orage d’une violence rare a balayé l’ouest de l’Aude, charriant avec lui des grêlons gros comme des balles de golf. En quelques minutes, des dizaines d’exploitations ont vu s’envoler des mois de travail. À Alaigne, Laurent Jalabert n’en revient toujours pas : « Tout est fichu. Trois communes touchées, toutes mes souches hachées. Les fèveroles aussi, alors que je devais récolter dans un mois… » Il n’est pas seul. À Loupia, Philippe Miele estime à 80 % les dégâts sur 35 de ses 42 hectares. « On est qu’en mai… On n’ose pas penser à la suite. »

Depuis 2021, les années s’enchaînent et se ressemblent, ou plutôt s’aggravent.

En tout, ce sont plus de 750 hectares qui ont été touchés dans le Limouxin, dont 250 rattachés à la cave coopérative Sieur d’Arques et 500 à Anne de Joyeuse, avec des pertes estimées à plus de 70 % pour une large partie. Vendredi 23 mai, la Chambre d’Agriculture de l’Aude, accompagnée de plusieurs syndicats et coopératives, s’est rendue au chevet des sinistrés. Des visites de terrain, certes, mais aussi une sonnette d’alarme tirée avec gravité. Le constat est unanime : ces catastrophes météorologiques ne sont plus des exceptions. Elles sont devenues la norme.

Depuis 2021, les années s’enchaînent et se ressemblent, ou plutôt s’aggravent. Grêle, gel, mildiou, sécheresse… « On est passés d’évènements à un quotidien », résume Pierre-Louis Farges, président de Sieur d’Arques. La fréquence des aléas rend chaque récolte incertaine, chaque campagne plus fragile. Frédéric Launay, pour la Chambre d’Agriculture, indique que « 30 à 80 mm d’eau sont tombés en moins d’une heure », et que la floraison à venir permettra de mesurer l’ampleur réelle des conséquences à moyen terme. En attendant, les dégâts sont là, visibles, parfois irréversibles.

Les vignerons ne réclament pas seulement de la compassion. Ils veulent des réponses concrètes. Car si les exploitants sont nombreux à être assurés, beaucoup déplorent des indemnisations déconnectées de la réalité. « Avec le système des moyennes olympiques, on finit souvent par ne rien toucher », explique Damien Honoré, président du Syndicat des Vignerons. « On est assurés, mais pas indemnisés. C’est absurde. On a le couteau sous la gorge. » Le modèle actuel d’assurance agricole semble à bout de souffle. Et avec lui, une profession qui tente de survivre.

Face à l’urgence, certains remettent sur la table le recours aux canons à grêle, autrefois courants, aujourd’hui critiqués pour leur impact environnemental. Ces dispositifs projettent de l’iodure d’argent dans les nuages pour en atténuer les effets. La proposition divise. « Tant pis si ça ne plaît pas aux écolos », lâche un vigneron excédé. « On n’en peut plus. » Le débat est lancé : faut-il s’armer, au sens propre, contre la météo ?

Le classement en catastrophe naturelle est espéré. Il pourrait ouvrir la voie à des aides exceptionnelles. Mais à long terme, c’est une refondation du modèle de production viticole qui se pose. Comment continuer à cultiver la vigne dans un climat devenu imprévisible ? Comment protéger une filière qui fait vivre des milliers de familles, tout en répondant aux enjeux environnementaux ? Ces questions ne peuvent plus être éludées. Elles appellent un choix politique, structurant, courageux.

Dans l’Aude, les vignerons ne demandent pas la lune. Juste de pouvoir travailler sans craindre, chaque printemps, que le ciel leur tombe une fois encore sur la tête.

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Ludovic BEUZERON, Journaliste indépendant
pour C11 .MEDIA et La Voix des Citoyens
Membre actif de la #fnjmi 🇫🇷

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Crédit photographique : Madiran ©Nicolas-Tortigue et ©Antoine Bernardin de la petite Odyssée
Image : https://www.terredevins.com - , Buzee Prod 2025

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