ARACHAGE DE VIGNES CENTENAIRES : LE PRIX D’UNE PASSION ÉTOUFFÉE PAR LA CRISE

VIGNES ARRACHÉES, PASSION BRISÉE : QUAND LE MINERVOIS NE FAIT PLUS VIVRE SES VITICULTEURS

Dans le Minervois, le vin a longtemps été une affaire de passion autant que de transmission. Mais aujourd’hui, cette passion vacille sous les coups croisés de la crise climatique et des dérèglements économiques. À Ventenac-en-Minervois, Véronique Herman, ancienne journaliste reconvertie en vigneronne, vient de tourner une page lourde de sens : ses vignes centenaires, vestiges d’un patrimoine viticole familial, ont été arrachées. Non par choix, mais par nécessité. Face à la chute des cours, à la sécheresse chronique et à l’évolution erratique du marché du bio, elle n’a eu d’autre option que de renoncer à vingt ans d’un engagement viscéral. Un geste brutal, presque tabou, qui illustre les fractures profondes que traverse le monde viticole dans le sud de la France.

Le bio, malgré ses vertus environnementales, subit de plein fouet une demande en repli.

L’histoire de Véronique est celle d’un idéal confronté à une réalité implacable. En 2002, elle reprend une vigne abandonnée, convaincue qu’elle peut faire renaître ce terroir, dans le respect de la terre et des anciens. Elle choisit la voie coopérative, puis celle du bio dès 2017. Mais rapidement, les fondations se dérobent. Le bio, malgré ses vertus environnementales, subit de plein fouet une demande en repli, concurrencée par le label HVE, jugé plus flexible, mais souvent contesté sur ses critères réels. Refusant d’adopter des pratiques qu’elle considère comme des compromis éthiques, elle reste droite dans ses bottes. Or, les sécheresses à répétition, l’absence d’irrigation et des rendements divisés par deux l’ont placée dans une impasse. La prime d’arrachage proposée par l’État devient alors une bouée amère, mais indispensable. Car aujourd’hui, cultiver la vigne n’assure plus ni revenu, ni stabilité, ni même reconnaissance.

Ce qui se joue ici dépasse le drame personnel. C’est toute une filière qui vacille entre modernisation contrainte et effacement silencieux. Les vieilles vignes disparaissent, et avec elles, une culture paysanne faite de patience, de savoir-faire et de liens à la terre. Le Minervois, comme d’autres terroirs du Sud, devient le théâtre d’un paradoxe : on y célèbre l’authenticité, mais on ne sait plus la faire vivre. Faut-il revoir les soutiens publics pour mieux accompagner les vignerons bio ? Repenser les certifications pour les rendre cohérentes avec les engagements climatiques ? Ou tout simplement reconnaître qu’un virage s’impose, non seulement agricole, mais aussi économique et culturel ? Le mur que construit Véronique avec ses ceps arrachés ressemble à un monument intime, mais aussi à un signal d’alerte : que reste-t-il d’un territoire lorsque ses racines ne tiennent plus ?

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Ludovic BEUZERON, Journaliste indépendant
pour C11 .MEDIA et La Voix des Citoyens
Membre actif de la #fnjmi 🇫🇷

Rédaction : Press’K - Tous droits réservés
Crédit photographique : DR, Buzee Prod 2025

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