ARDISSON, LE DERNIER BONSOIR DE L’HOMME EN NOIR

THIERRY ARDISSON S’ÉTEINT, LA TÉLÉ PERD SON IMPRÉVISIBLE MAÎTRE DE CÉRÉMONIE


Il a tiré sa révérence avec la même élégance cynique qu’il maniait depuis quarante ans : Thierry Ardisson, l’homme en noir de la télévision française, a dit adieu au petit écran. Un dernier bonsoir, cette fois définitif. Non sans émotion, ni sans provocation, celui qui a incarné une certaine idée du talk-show a fermé la porte sur une époque. Celle d’une télé impertinente, nocturne, cultivée et spectaculaire. Mais que reste-t-il aujourd’hui de cette voix singulière qui, entre rires et clashs, a transformé l’interview en performance ?

Ardisson était un miroir : il montrait la France telle qu’elle parlait, rêvait ou s’écharpait.

Ardisson, c’est d’abord un style. Des costumes noirs comme signature, une diction ciselée, un ton inimitable. L’homme ne posait pas des questions, il lançait des missiles. Sur les plateaux de *Tout le monde en parle* puis de *Salut les Terriens !*, il a interrogé, dérangé, déstabilisé. Des figures politiques, des stars de cinéma, des anonymes devenus icônes d’un soir. Il a révélé Doc Gynéco, popularisé Dieudonné, invité Zemmour avant qu’il ne devienne un phénomène. Il savait flairer les sujets qui fâchent, jouer avec les limites, provoquer des débats, quitte à créer la polémique. En cela, Ardisson était un miroir : il montrait la France telle qu’elle parlait, rêvait ou s’écharpait à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

Mais ce miroir s’est fissuré. À mesure que les formats se sont raccourcis, que les codes de la télévision se sont uniformisés, que les réseaux sociaux ont vampirisé l’instant, Thierry Ardisson a semblé décalé. La télé spectacle qu’il proposait s’est essoufflée. En 2019, *Les Terriens du samedi* s’arrêtent. Ardisson quitte C8 dans un silence feutré. Trop cher, dit-on en coulisses. Trop clivant, trop vieux jeu, peut-être. Depuis, il a tenté de revenir, via des formats hybrides, à mi-chemin entre télé et documentaire. Sans retrouver l’éclat d’antan. Ce dernier adieu, symbolique autant que réel, marque la fin d’une époque. Celle où la télé savait encore faire de l’audace un art.

Ce départ soulève une question plus large : que devient la télévision quand ses grandes figures s’effacent ? Et qui pour prendre le relais de ces faiseurs d’opinion, de ces provocateurs cultivés ? À l’heure où les algorithmes dictent l’attention, où les débats se résument en 280 caractères, où la nuance dérange, la disparition d’Ardisson laisse un vide. Un vide éditorial, culturel, générationnel. Car au-delà de la figure publique, Thierry Ardisson incarne une idée de la télévision comme agora : lieu d’échange, de tension, de pensée. Son dernier bonsoir n’est pas qu’un clap de fin. Il est aussi un rappel : la télé, pour rester vivante, doit rester surprenante.

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Ludovic BEUZERON, Journaliste indépendant 
pour C11 .MEDIA et La Voix des Citoyens 
Membre actif de la #fnjmi 🇫🇷

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Crédit photographique : DR, Image d'illustration, Buzee Prod 2025

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