SANGLIERS EN EMBUSCADE, LA VIGNE S’ORGANiSE

VIGNERONS ET CHASSEURS MAIN DANS LA MAIN POUR BARRER LA ROUTE AUX SANGLIERS

Dans les Corbières, la solidarité n’est pas un mot creux. À Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, face à l’invasion croissante des sangliers, viticulteurs et chasseurs unissent leurs forces. L’objectif : protéger la vigne avant que les grappes ne soient ravagées par le grand gibier. Ce front commun inédit illustre à la fois l’urgence du problème et la capacité du monde rural à inventer, ensemble, des réponses concrètes, à mille lieues des caricatures habituelles. Quand les territoires sont en première ligne, ils n’attendent pas que les solutions tombent d’en haut.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur les 300 hectares de vignes cultivées par la coopérative du Cellier des Demoiselles, 60 hectares vont être entièrement clôturés. Un dispositif lourd mais devenu indispensable : chaque année, les dégâts causés par les sangliers s’accumulent, et les viticulteurs ne peuvent plus encaisser. Après la grêle, le gel ou la sécheresse, voici donc un autre fléau — rampant, nocturne, sournois. Le raisin mûr attire les bêtes ; la récolte, parfois, s’évapore en quelques nuits.

Pour éviter cela, tout a été pensé : barrière électrique, périmètre dessiné à la main avec le soutien d’un technicien de la fédération de chasse, prise en compte des passages agricoles et piétons. Un travail de dentelle. Les exploitants eux-mêmes s’impliquent, adaptent les installations à la carte, selon les cépages et les périodes de vendanges. L’opération coûte 30 000 euros, financés à 50 % par la fédération de chasse de l’Aude, le reste partagé entre la cave, les communes, la communauté de communes et les associations locales. "Il y a eu un véritable élan d’entraide", explique Anaël Payrou, directeur de la cave. Et le cœur battant du dispositif, ce sont les chasseurs.

Car ils ne se contentent pas de financer. Ils agissent, toute l’année. "On chasse douze mois sur douze désormais", rappelle Jacky Galy, vice-président de la fédération. De juillet à mars, avec des battues parfois prolongées en avril et mai. Une mobilisation continue, souvent invisible, qui pèse sur les bénévoles. Car derrière les fusils, il y a des hommes, avec leur vie professionnelle, leurs frais, leurs contraintes. "Mais on ne laisse pas tomber. On est là", insiste Galy. La fédération achète en groupe, mutualise le matériel, forme les équipes. Et surtout : surveille. Car une clôture, ça s’entretient. Et le moindre trou peut ruiner des semaines d’efforts.

Au-delà des chiffres et des grillages, une vérité s’impose : sans alliance entre acteurs du territoire, rien n’est possible. Le monde rural le sait. Il se serre les coudes quand il le faut, loin des projecteurs. Ici, chasseurs et vignerons ne sont pas ennemis, mais partenaires. Une complémentarité précieuse, à préserver. Car derrière ces hectares protégés, c’est une façon de vivre, de produire et de faire société qui est en jeu.

L’exemple de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse interpelle. Combien de territoires, ailleurs, subissent seuls des situations similaires ? Jusqu’où faudra-t-il attendre pour que l’État accompagne mieux ces démarches locales ? À l’heure des grands discours sur la transition écologique, cette mobilisation concrète montre qu’il existe, sur le terrain, des réponses simples, humaines et efficaces. Encore faut-il les écouter.

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Christopher GREEN, Journaliste indépendant 
pour C11 .MEDIA et La Voix des Citoyens 
Membre actif de la #fnjmi 🇫🇷

Rédaction : Press’K - Tous droits réservés
Crédit photographique : DR, image d'illustration, Buzee Prod 2025

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