TAXIS EN RÉVOLTE : UNE PROFESSION PRISE EN ÉTAU ENTRE RÉFORME ET UBERISATION

TAXIS EN COLÈRE : “AVEC LA RÉFORME, ON NE TIENDRA PAS"

Ils klaxonnent, pétards à la main, gyrophares allumés. Ils roulent en convoi, drapeaux accrochés aux portières. Ce vendredi 20 juin, dans l’Aude, les chauffeurs de taxi ne se contentent plus de grogner. Ils manifestent. Car derrière le bruit, il y a un cri. Celui d’une profession au bord de l’implosion. La goutte de trop ? Une réforme du transport sanitaire qui pourrait rogner leurs revenus, déjà mis à mal par les VTC. À Carcassonne et Narbonne, les pancartes disent l’essentiel : “On étouffe”, “VTC hors-la-loi”, “Taxis sacrifiés”.

Ce n’est pas la première fois que les taxis se mobilisent. Mais cette fois, la colère semble plus dense, plus enracinée. Depuis Pau, un tour de France a débuté il y a quelques jours pour alerter le gouvernement. L’objectif : atteindre Paris le 24 juin, jour d’une réunion décisive au ministère de la Santé. En toile de fond : la réforme proposée par Catherine Vautrin, ministre du Travail et de la Santé, visant à mutualiser les trajets de transport de patients pour réduire les dépenses de la Sécurité sociale. Une mesure qui, selon la ministre, pourrait faire économiser 150 millions d’euros. Une économie jugée dévastatrice par les chauffeurs. Dans l’Aude, 90 % des taxis vivent du transport médical. Les pertes annoncées de 30 % de chiffre d'affaires inquiètent, surtout en milieu rural, où chaque course compte.

Mais le malaise va bien au-delà. “On ne relâche pas la pression”, martèle Samuel Mordal, taxi carcassonnais. Il fustige les plateformes VTC, Uber et Bolt en tête, accusées de contourner la loi. “Ils pratiquent la maraude illégale, stationnent en ville comme si de rien n’était. On ne leur en veut pas, c’est l’État qui laisse faire.” Un article du Code des Transports est brandi comme preuve : seuls les taxis ont le droit de chercher des clients sur la voie publique. Les VTC, eux, doivent retourner à leur base entre deux courses. “Mais les contrôles sont inexistants. À Narbonne, on voit des chauffeurs de Montpellier venir faire du chiffre sans être inquiétés. Et pendant ce temps, nous, on crève.”

Le sentiment d’abandon est profond. Les chauffeurs parlent d’années de mépris, de décisions prises sans eux. “Ça fait quinze ans qu’on nous chie dessus”, lâche un manifestant, épuisé. Les mots sont forts, à la hauteur de la détresse. Beaucoup ont investi des milliers d’euros dans leur licence, payent leurs charges, leur assurance, leur véhicule. “On est contre l’ubérisation de la société. Même les VTC finissent par arrêter : ce n’est pas rentable. Mais nous, on n’a pas le choix.” Pour ces professionnels enracinés dans les territoires, la réforme menace un équilibre déjà fragile. Et s’ils descendent dans la rue aujourd’hui, c’est pour ne pas disparaître demain.

À travers cette mobilisation, une question traverse le bitume : à quoi sert une profession réglementée si ses règles ne sont plus respectées ? Derrière les klaxons et les slogans, une réalité se dessine : celle d’un métier en mutation, où la précarisation gagne du terrain. Les chauffeurs de taxi ne rejettent pas le changement. Mais ils demandent des règles équitables, applicables, respectées. Et un minimum de reconnaissance. L’État peut-il continuer à ignorer cette colère sourde ? La réforme annoncée est-elle un ajustement technique ou un nouveau pas vers la marginalisation d’un métier ? À quelques jours d’un rendez-vous clé à Paris, les chauffeurs attendent des réponses. Et promettent, d’ici là, de ne pas lâcher le volant.
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Jean Michel JUMEAU, Journaliste indépendant 
pour C11 .MEDIA et La Voix des Citoyens 
Membre actif de la #fnjmi 🇫🇷

Rédaction : Press’K - Tous droits réservés
Crédit photographique : DR, Buzee Prod 2025

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