VIVRE ENSEMBLE : ET SI ON COMMENÇAIT PAR SE PARDONNER

LE PARDON A-T-IL ENCORE SA PLACE DANS NOTRE SOCIÉTÉ ?

« Supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous si quelqu’un a un reproche à faire à un autre. Le Seigneur vous a pardonné, agissez comme lui. » Ces mots tirés de la lettre aux Colossiens ne relèvent pas seulement de la foi. Ils posent une question vertigineuse, universelle, brûlante d’actualité : dans une société rongée par les rancunes, les procès médiatiques et les vengeances sociales, peut-on encore prôner le pardon ? Et surtout, le vivre ? Entre réseaux sociaux impitoyables, polarisation politique extrême, et climat de défiance généralisée, le pardon semble devenu suspect, presque naïf. À l’heure où la moindre erreur expose à l’humiliation publique, où l’indignation sert de boussole morale, la réconciliation est-elle encore possible ?

Car l’idée de pardon est un mécanisme de survie collective.

Le terrain est miné. Prenons l’exemple du monde politique. Lorsqu’un élu commet une faute, la machine médiatique s’emballe. L’opinion exige des sanctions immédiates, parfois avant même toute vérification des faits. Le pardon n’est plus vu comme un acte de grandeur, mais comme un aveu de faiblesse. La logique de réparation a été supplantée par celle de l’effacement. Même constat dans les entreprises : un salarié pris en défaut peut être mis au ban de sa structure sans ménagement, sans seconde chance. Et dans la sphère privée, les relations s’effilochent au gré des incompréhensions non dites, des conflits mal digérés, des blessures que personne ne veut ni reconnaître ni soigner.

Mais l’idée de pardon n’est pas qu’un réflexe religieux ou une posture morale. C’est un mécanisme de survie collective. Dans l’Afrique du Sud post-apartheid, la Commission Vérité et Réconciliation a permis à un pays fracturé de se reconstruire sans sombrer dans la vengeance. En France, après les attentats de 2015, plusieurs victimes ont choisi de répondre à la haine par la paix. Ces exemples ne relèvent pas d’une naïveté béate. Ils montrent que pardonner, ce n’est pas oublier. Ce n’est pas nier le mal. C’est faire le choix de sortir du cycle de la violence, d’ouvrir une voie de sortie là où tout semble bloqué.

Mais pourquoi cette vertu si essentielle est-elle si difficile à défendre aujourd’hui ? Parce qu’elle suppose du courage. Parce qu’elle exige du temps, de l’humilité, de la lucidité. Parce qu’elle ne fait pas de bruit. Le pardon ne se proclame pas, il se construit. Il oblige à reconnaître l’autre dans sa part d’humanité, même abîmée. Il ne gomme pas la faute, il cherche à dépasser la logique de l’exclusion. Il ne nie pas la justice, il refuse simplement qu’elle devienne vengeance.

La parole biblique citée ici n’impose pas un modèle théocratique. Elle propose une éthique du lien, du soutien mutuel, du dépassement. Elle nous interroge : dans quelle société voulons-nous vivre ? Une société de murs ou de ponts ? Une société où l’erreur condamne à vie ou où la rédemption est encore possible ? Sans pardon, aucun collectif ne tient. Sans pardon, la démocratie s’assèche. Sans pardon, nous devenons des juges perpétuels les uns des autres. Pardonner, c’est un acte de résistance contre la brutalité ambiante.

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Ludovic BEUZERON, Journaliste indépendant 
pour C11 .MEDIA et La Voix des Citoyens 
Membre actif de la #fnjmi 🇫🇷

Rédaction : Press’K - Tous droits réservés
Crédit photographique : DR, Buzee Prod 2025

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